La Cour de cassation retient une interprétation inquiétante du délit de participation à un groupement

Sur son compte Instagram, Me Alexis Baudelin, avocat, alerte sur la décision qui vient d’être rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 février 2025. La chambre a confirmé la condamnation de Loïc S. notamment pour participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations, recel de vol et dégradations par inscription, signe ou dessin à l’occasion de la manifestation du 25 mars 2023 contre le projet de construction d’une mégabassine à Sainte-Soline.

« Ce qui est particulièrement inquiétant dans cet arrêt ce sont les éléments qui ont été retenus pour caractériser l’infraction de participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations« , souligne Me Alexis Baudelin. En effet, cette infraction, définie à l’article 222-14-2 du code pénal, nécessite la démonstration de plusieurs conditions : l’existence d’un groupement, la préparation de violences ou de dégradations caractérisée par des faits matériels et le fait de participer sciemment en ayant connaissance de l’intention délictueuse du groupement.

Or, poursuit Me Alexis Baudelin, « Cette décision est un très mauvais signal pour les luttes militantes. Elle criminalise indirectement le fait de vouloir s’informer sur ses droits en manifestation en considérant la possession de documents juridiques comme un potentiel élément de la participation au groupement. Elle considère enfin que toute personne se trouvant dans une manifestation interdite, même si elle regroupe des milliers de personnes aux profils variés, peut être considérée comme participant à un groupement délictuel quand bien même aucune intention violente n’est caractérisée. »

Sources :

https://www.instagram.com/p/DHbWzFwCjId

https://www.courdecassation.fr/decision/67a308afeaef5a22b443b2a5

Le tribunal de Valence, exaspéré, rejette les poursuites du ministère public contre les organisateurs d’une manifestation.

Le tribunal de Valence a relaxé trois organisateurs d’une manifestation contre la réforme des retraites, tenue en avril 2023 à Die. Ils étaient poursuivis pour avoir dépassé de 15 minutes l’horaire déclaré et pour avoir pique-niqué durant la manifestation. Le juge, agacé par ces poursuites, a rapidement mis fin à l’audience.

Les faits reprochés aux militants semblaient anodins par rapport à la procédure engagée. La manifestation s’était déroulée sans incident, avec une pause pour un pique-nique et une dispersion rapide des participants. Les gendarmes avaient filmé l’événement, permettant de vérifier les horaires exacts. Dix-huit mois plus tard, les organisateurs ont été convoqués pour répondre de deux infractions à la demande du procureur de la République (dépendant du ministère de la justice) : une déclaration incomplète et une entrave à la circulation.

L’avocat des accusés a souligné le caractère pacifique de la manifestation et a critiqué la procédure, la qualifiant de politique. Le dossier des gendarmes, sur lequel le procureur s’est décidé à poursuivre contenait en outre de faux éléments. Le juge a donc rapidement prononcé la relaxe des trois organisateurs, déclenchant les applaudissements des soutiens présents. Au delà du burlesque de l’affaire (le procureur lui-même cédant à la farce en « raison de ce terrible pique-nique sauvage« ), ce procès de l’absurde interroge la capacité de nuisance d’un régime prêt à faire perdre son temps à la justice dans le simple but de harceler des manifestant·es.

Source : https://www.mediapart.fr/journal/france/200325/le-tribunal-de-valence-balaye-les-poursuites-contre-les-organisateurs-d-une-manifestation

Mort de Rémi Fraisse : la CEDH condamne la France

Plus de dix ans après la mort de Rémi Fraisse, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour violation du droit à la vie en raison d’un encadrement insuffisant du maintien de l’ordre. Rémi Fraisse, un jeune botaniste de 21 ans, a été tué par l’explosion d’une grenade offensive lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens en octobre 2014. La CEDH a jugé que l’intervention des forces de l’ordre violait l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, soulignant un usage disproportionné de la force et des lacunes dans le cadre juridique et administratif.

La décision de la CEDH pointe du doigt l’absence de garanties suffisantes pour encadrer l’usage de la force potentiellement meurtrière et les défaillances dans la préparation et la conduite des opérations. Le recours aux grenades offensives OF-F1 sans dispositif de contrôle efficace a été jugé comme une faute grave de l’État. Cette condamnation est inédite, car c’est la première fois que la France est sanctionnée pour l’usage d’armes dans une opération de maintien de l’ordre. Claire Dujardin, avocate de la famille de Rémi Fraisse, considère cette décision comme une victoire et un appel à réviser la doctrine de maintien de l’ordre en France.

La CEDH a également souligné que l’enquête menée par les autorités françaises respectait les exigences d’impartialité et d’approfondissement, bien que des doutes aient été soulevés sur l’objectivité de ladite enquête. L’État français devra verser des indemnités aux proches de Rémi Fraisse, mais cette décision ne remet pas en cause l’absence de responsabilité pénale des forces de l’ordre impliquées. La condamnation établit un précédent important en matière de maintien de l’ordre, rappelant que l’usage de la force doit être strictement encadré et justifié. Claire Dujardin espère que cette décision incitera la France à adapter ses pratiques pour éviter de nouveaux drames.

Source : https://www.politis.fr/articles/2025/02/justice-luttes-mort-de-remi-fraisse-la-cedh-condamne-la-france/

Le tribunal administratif de Montpellier juge illégal le périmètre de sécurité des casserolades.

Le tribunal administratif de Montpellier a jugé illégal un arrêté pris par le préfet de l’Hérault en avril 2023, qui instaurait un périmètre d’interdiction lors d’un déplacement d’Emmanuel Macron à Ganges. Cet arrêté visait à prévenir des actes terroristes en interdisant l’usage de dispositifs sonores portatifs, comme les casseroles, et en restreignant l’accès à une zone étendue du centre-ville.

Le tribunal a estimé que le préfet n’avait pas le droit d’instaurer un tel périmètre sans preuve d’une menace terroriste, et que l’arrêté portait atteinte aux libertés de manifester et de circuler. Il a donc annulé l’arrêté et condamné l’État à payer les frais de justice des associations plaignantes, l’Adelico et la LDH.

Source : https://www.liberation.fr/societe/police-justice/casserolades-le-tribunal-administratif-de-montpellier-juge-illegal-le-perimetre-dinterdiction-decrete-pour-un-deplacement-demmanuel-macron-en-avril-2023-20250204_3JYVZ7Z3WJGX7AGT25P34OC6T4/

Le tribunal administratif de Nice reconnaît la responsabilité sans faute de l’Etat en raison de la chute d’une manifestante provoquée par une charge des forces de l’ordre.

Image illustrative de la justice tenant glaive et balance. Crédit photo : WilliamCho

Le 15 mai 2024, le tribunal administratif de Nice a reconnu la responsabilité sans faute de l’Etat dans la chute de Mme Geneviève Legay, survenue lors d’une manifestation des « gilets jaunes » à Nice le 23 mars 2019. Mme Legay avait demandé une indemnisation de 50 000 euros pour les préjudices subis, mais le tribunal a estimé que sa propre imprudence avait contribué à hauteur de 20% à l’incident.

Une expertise médicale a été ordonnée pour évaluer l’étendue des préjudices de Mme Legay, et c’est seulement à l’issue de cette expertise que le tribunal décidera de la somme que l’Etat devra lui verser en réparation. Le tribunal a fondé sa décision sur l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit que la responsabilité sans faute de l’Etat peut être engagée si des blessures résultent directement d’une mesure prise par l’autorité publique pour faire face à un attroupement ou un rassemblement.

Lien vers la décision du TA : http://nice.tribunal-administratif.fr/content/download/219419/2063113/version/1/file/2004873.pdf