Quand nos papiers d’identité deviennent des outils de surveillance

La Quadrature du Net révèle un scandale prévisible mais non moins inquiétant : le fichier TES (Titres Électroniques Sécurisés), censé faciliter la délivrance des cartes d’identité et passeports, serait détourné par la police pour identifier des personnes dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Créé en 2005 puis considérablement élargi en 2016 pour inclure les données biométriques de quasiment toute la population française, ce fichier centralisé contient désormais les photographies et empreintes digitales de millions de citoyens. Or, son utilisation à des fins d’identification avait été explicitement interdite par le Conseil constitutionnel en 2012, qui jugeait une telle pratique trop attentatoire aux libertés fondamentales.

Le stratagème employé par le ministère de l’Intérieur repose sur un contournement juridique aussi simple qu’abusif : puisque les policiers ne peuvent accéder directement au fichier TES, ils adressent des réquisitions judiciaires aux agents des CERT (Centres d’expertise et de ressources titres) et de l’ANTS (Agence nationale des titres électroniques) qui, eux, y ont légalement accès. Ces administrations répondent sans questionnement, transmettant photos, empreintes digitales et documents annexes. La Quadrature du Net a pu documenter des cas concrets où ces données, récupérées illégalement, ont servi à identifier des personnes suspectées, notamment par comparaison de photographies issues du TES avec des images de vidéosurveillance.

Cette affaire illustre l’impuissance du droit face aux appétits de surveillance de l’État. Malgré les mises en garde répétées de la CNIL, du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, la pratique policière s’est installée dans le mépris total du cadre légal. Pire encore, la loi LOPMI de 2023 a facilité ces dérives en assouplissant le régime des réquisitions. Ce détournement du fichier TES s’inscrit dans une dynamique plus large de fichage généralisé de la population, avec plus d’une centaine de fichiers de police aux périmètres toujours plus étendus. La Quadrature du Net rappelle cette vérité historique : si les fichiers centralisés ne créent pas les régimes autoritaires, tout régime autoritaire s’appuie sur le fichage de sa population.

Source : https://www.laquadrature.net/2025/11/24/la-police-detourne-le-fichier-des-passeports-et-des-cartes-didentite/

Le Conseil constitutionnel censure la prolongation de la vidéosurveillance algorithmique

Le Conseil constitutionnel a censuré une disposition controversée qui prolongeait l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans l’espace public. Cette mesure, votée dans le cadre de la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, étendait l’expérimentation jusqu’en mars 2027, au-delà de la période initialement prévue pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le Conseil a jugé que cette prolongation constituait un cavalier législatif, n’ayant aucun lien avec le texte de loi initial.

Cette décision représente un revers pour le gouvernement, qui souhaitait poursuivre l’usage de ces technologies sécuritaires. Le rapport d’évaluation de la VSA, publié en début d’année, était mitigé, soulignant à la fois le manque de maturité technique de certaines technologies et leur utilité potentielle dans certains cas, selon les témoignages d’agents sur le terrain.

Source : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/2025878DC.htm

La France, porte d’entrée pour la surveillance de masse européenne.

Un article récent de Disclose révèle les efforts entrepris par la France pour influencer le règlement européen sur l’intelligence artificielle, connu sous le nom de « AI Act », afin de permettre des pratiques controversées telles que la reconnaissance faciale en temps réel, l’interprétation des émotions, et la catégorisation des pensées religieuses, sexuelles et politiques. Selon des documents confidentiels révélés par Disclose et Investigate Europe, la France a milité activement pour que ces technologies intrusives soient autorisées, malgré les risques qu’elles posent pour les droits fondamentaux et les libertés publiques.

L’article décrit des scénarios dystopiques où des caméras intelligentes pourraient être utilisées pour surveiller des manifestants ou interroger des migrants, enregistrant et analysant leurs émotions et comportements. Ces pratiques pourraient devenir réalité dès le 2 février, lorsque les articles les plus controversés de l’AI Act entreront en vigueur. La France a réussi à obtenir des exemptions majeures en invoquant la sécurité nationale, ce qui permettrait l’utilisation de ces technologies dans l’espace public. Les négociations secrètes et le lobbying intensif de la France ont conduit à un cadre réglementaire qui, au lieu de protéger les libertés, ouvre la porte à une surveillance de masse.

Source : https://disclose.ngo/fr/article/intelligence-artificielle-la-france-ouvre-la-voie-a-la-surveillance-de-masse-en-europe

2015-2025 : la Nouvelle République fait le point sur les libertés publiques avec l’avocat Patrice Spinosi

Image illustrative de policiers surveillant la popupaltion

En réponse aux attentats de 2015, la France a adopté des mesures sécuritaires exceptionnelles, notamment l’état d’urgence décrété par le président François Hollande le soir des attentats du 13 novembre 2015. Cette mesure, une première depuis la guerre d’Algérie, a conféré aux préfets des pouvoirs étendus, tels que l’instauration de couvre-feux, des perquisitions à toute heure et l’assignation à résidence de personnes jugées dangereuses pour la sécurité publique. Ces décisions ont marqué un tournant dans la législation antiterroriste française, selon Patrice Spinosi, avocat spécialisé dans la défense des libertés publiques.

Initialement prévu pour être provisoire, l’état d’urgence a été prolongé six fois avant que ses principales mesures ne soient intégrées dans le droit commun par la loi « sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme » (Silt) en octobre 2017, puis par la loi de prévention du terrorisme en 2021. Cette dernière loi a institutionnalisé les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) pour certains détenus condamnés pour terrorisme, élargi les critères de fermeture des lieux de culte suspectés de liens terroristes, et pérennisé l’utilisation d’algorithmes pour surveiller les profils à risque en ligne. Cependant, ces mesures ont également été critiquées pour leurs dérives, notamment leur application à des militants écologistes et à des manifestants, comme lors des mouvements des Gilets jaunes ou des protestations contre la réforme des retraites.

Source : https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/dix-ans-apres-les-attentats-les-libertes-publiques-a-l-epreuve-de-l-antiterrorisme