Dans cette interview sur le plateau du Media, Lucas Lévy-Lajeunesse, membre de l’Observatoire parisien des libertés publiques (OPLP), évoque à l’occasion de la sortie de son livre « La Police contre la démocratie » le travail des observatoires, les pratiques policières et en particulier celles de la Brav-M, ainsi que le problème lié à l’absence de port du RIO et celui lié au port fréquent de la cagoule.
Au delà de la dénonciation de la gestion violente du maintien de l’ordre, Lucas Lévy-Lajeunesse témoigne du changement de doctrine qui vise à criminaliser les manifestations et à restreindre l’expression politique dans un espace public encadré par les forces de l’ordre. Il alerte sur les atteintes à un Etat de droit, sur les attaques permanentes contre les associations et la diffusion des doctrines d’extrême droite dans l’espace public qui pourrait à boutir à l’instauration d’un régime de type fasciste.
Plus de dix ans après la mort de Rémi Fraisse, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour violation du droit à la vie en raison d’un encadrement insuffisant du maintien de l’ordre. Rémi Fraisse, un jeune botaniste de 21 ans, a été tué par l’explosion d’une grenade offensive lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens en octobre 2014. La CEDH a jugé que l’intervention des forces de l’ordre violait l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, soulignant un usage disproportionné de la force et des lacunes dans le cadre juridique et administratif.
La décision de la CEDH pointe du doigt l’absence de garanties suffisantes pour encadrer l’usage de la force potentiellement meurtrière et les défaillances dans la préparation et la conduite des opérations. Le recours aux grenades offensives OF-F1 sans dispositif de contrôle efficace a été jugé comme une faute grave de l’État. Cette condamnation est inédite, car c’est la première fois que la France est sanctionnée pour l’usage d’armes dans une opération de maintien de l’ordre. Claire Dujardin, avocate de la famille de Rémi Fraisse, considère cette décision comme une victoire et un appel à réviser la doctrine de maintien de l’ordre en France.
La CEDH a également souligné que l’enquête menée par les autorités françaises respectait les exigences d’impartialité et d’approfondissement, bien que des doutes aient été soulevés sur l’objectivité de ladite enquête. L’État français devra verser des indemnités aux proches de Rémi Fraisse, mais cette décision ne remet pas en cause l’absence de responsabilité pénale des forces de l’ordre impliquées. La condamnation établit un précédent important en matière de maintien de l’ordre, rappelant que l’usage de la force doit être strictement encadré et justifié. Claire Dujardin espère que cette décision incitera la France à adapter ses pratiques pour éviter de nouveaux drames.
Le ministère de l’Intérieur a récemment autorisé les gendarmes et policiers à utiliser le lancer à la main fr la grenade modulaire 2 effets lacrymogènes GM2L (ou SAE 820) en Nouvelle-Calédonie, en réponse à la recrudescence de la violence et à l’utilisation d’armes contre les forces de l’ordre dans cette région. Cette grenade, produite par Alsetex, a succédé à la grenade GLI-F4 en France en 2018 et est conçue pour avoir des effets lacrymogènes et assourdissants.
Dans cet article publié dans le magazine « La Voix du gendarme« , le général (2S) Bertrand Cavallier, expert en sécurité et maintien de l’ordre, salue cette décision, mais estime qu’une réflexion plus large est nécessaire sur l’armement, l’équipement et les conditions d’utilisation des armes par les forces de l’ordre. Il souligne que les capacités des forces de l’ordre ont diminué au fil des ans, tandis que les activistes, en particulier les milices d’ultra-gauche, ont considérablement amélioré leurs armes artisanales. Il appelle à une densification rapide des armements des forces de l’ordre en Nouvelle-Calédonie, où les gendarmes et les policiers seraient « confrontés à des criminels armés d’armes à feu puissantes« . Il suggère également l’adoption de marqueurs à distance pour mieux identifier les participants aux attroupements armés et optimiser la réponse pénale. La Nouvelle-Calédonie apparaît ainsi comme un laboratoire avancé du futur maintien de l’ordre en métropole.
Rennes est une ville connue pour sa forte tradition militante, avec de nombreuses mobilisations étudiantes et syndicales, ainsi que des mouvements nationalistes bretons et autonomes. Les manifestations sont un moyen d’action courant à Rennes, avec des exemples marquants tels que les mouvements contre les lois Debré en 1973, Devaquet en 1986 ou le CPE en 2006. En 2016, le mouvement contre la loi dite « travail » a marqué un tournant, avec l’émergence d’un « cortège de tête » composé de manifestants autonomes se confrontant régulièrement aux forces de police.
En 2023, la ville a connu de nombreuses manifestations, notamment contre la réforme des retraites, avec une trentaine de manifestations entre janvier et juin. Des émeutes ont également éclaté dans différents quartiers de Rennes en réponse à la mort de Nahel, abattu par un policier à Nanterre, avec des affrontements violents entre les forces de police et les manifestants. Les mobilisations ont repris suite aux événements du 7 octobre, avec de nombreux rassemblements pour la paix en Palestine. Enfin, le début de l’année 2024 a été marqué par des manifestations contre la loi dite « immigration », générant de nouvelles tensions entre les manifestants et les forces de police. Les moyens mis en œuvre pour le maintien de l’ordre ont été inédits à Rennes, avec le déploiement de la CRS8, de l’échelon régional rennais du RAID, l’usage de blindés, de drones ou le déploiement récurrent de la CRS82, ce qui appelle à une vigilance particulière pour observer et documenter l’usage qui en est fait.
Parmi les nombreux points instructifs du rapport, on notera la création d’un pôle de recueils de témoignages ou encore une progression encourageante dans les relations, bien qu’encore trop souvent conflictuelles, avec la police : « Malgré ces entraves que nous déplorons, nous remarquons une meilleure acceptation du travail de l’Observatoire au fur et à mesure des observations. Les forces de police semblent nous identifier de mieux en mieux à Rennes. De plus en plus de policier.es s’intéressent et marquent de la curiosité sur le travail de l’Observatoire. »
Le 15 mai 2024, le tribunal administratif de Nice a reconnu la responsabilité sans faute de l’Etat dans la chute de Mme Geneviève Legay, survenue lors d’une manifestation des « gilets jaunes » à Nice le 23 mars 2019. Mme Legay avait demandé une indemnisation de 50 000 euros pour les préjudices subis, mais le tribunal a estimé que sa propre imprudence avait contribué à hauteur de 20% à l’incident.
Une expertise médicale a été ordonnée pour évaluer l’étendue des préjudices de Mme Legay, et c’est seulement à l’issue de cette expertise que le tribunal décidera de la somme que l’Etat devra lui verser en réparation. Le tribunal a fondé sa décision sur l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit que la responsabilité sans faute de l’Etat peut être engagée si des blessures résultent directement d’une mesure prise par l’autorité publique pour faire face à un attroupement ou un rassemblement.
Depuis 2019, des observateurs membres de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), du Syndicat des avocats de France (SAF) et du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) examinent les pratiques de maintien de l’ordre de la police dans le département de Seine-Saint-Denis.
Cet Observatoire des pratiques policières a été créé pour observer le déploiement des forces de l’ordre lors de manifestations et d’expulsions de camps de migrants, ainsi que les interactions avec la population, notamment lors des contrôles d’identité et des dépôts de plainte.
Les observateurs constatent des cas où la police fait preuve de retenue et d’autres où l’usage de la force est moins justifié. Ils remarquent également que de nombreux policiers n’arborent pas leur matricule réglementaire, ce qui rend difficile l’identification des agents soupçonnés de violences illégales. Après avoir saisi le Conseil d’État, les associations ont obtenu une décision enjoignant le ministère de l’Intérieur à prendre des mesures pour assurer le port effectif et apparent du numéro d’identification des forces de l’ordre.
Les syndicats de police ont des avis mitigés sur ces observateurs, certains y voyant une nécessaire transparence, d’autres estimant qu’ils devraient aussi s’intéresser aux violences subies par les policiers.
Voir l’article complet publié sur actu-juridique.fr par Lextenso :
Photographie de Oto Zapletal, uniquement à finalité illustrative.
Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les Défenseurs de l’Environnement, Michel Forst, s’est rendu dans le Tarn les 22 et 23 février 2024, suite à des plaintes concernant les méthodes de maintien de l’ordre et d’expulsion des défenseurs de l’environnement occupant pacifiquement des arbres sur le site de la « Crem’Arbre ». Ces défenseurs, surnommés « écureuils », protestent contre le projet autoroutier de l’A69. Durant sa visite, le rapporteur des Nations Unies a rencontré des « écureuils », des collectifs, des secouristes volontaires, des membres de l’Observatoire toulousain des Pratiques Policières et des autorités locales. Il a exprimé des préoccupations concernant le climat tendu sur le site, l’interdiction de ravitaillement en nourriture et en eau, la privation délibérée de sommeil et les actions dangereuses des forces de l’ordre.
Le rapporteur a demandé aux autorités françaises de prendre des mesures immédiates de protection des « écureuils », notamment en autorisant sans délai leur ravitaillement en nourriture et en eau potable, en assurant leur sécurité et celle des forces de l’ordre, et en enquêtant sur les actes des forces de l’ordre qui ont pu mettre leur vie en danger. Il a également demandé aux autorités de faciliter le travail de la presse et des observateurs des pratiques policières, conformément aux obligations internationales de la France. Michel Forst a recueilli des informations préoccupantes concernant les méthodes de maintien de l’ordre pendant les rassemblements à proximité du site, et il procèdera à leur vérification dans le cadre du traitement des plaintes déposées auprès de son mandat. Il souhaite poursuivre un dialogue constructif avec les autorités françaises pour veiller à ce que les défenseurs de l’environnement ne soient pas persécutés ou harcelés pour leur engagement.
Le 25 mars 2023, malgré les intimidations des autorités, 18 observateur·ices ont assisté à la manifestation contre le projet de méga-bassine à Sainte-Soline dans le cadre d’un inter-observatoire dont faisait partie l’OGLP. Le rapport détaillé de l’interobservatoire, téléchargeable ci-dessous, révèle une stratégie de maintien de l’ordre excessivement violente, avec 3000 gendarmes déployés et plus de 5000 grenades tirées, causant au moins 200 blessés. Les autorités ont ensuite tenté de réécrire les événements à leur avantage, mais les observations de terrain contredisent leur version. Le rapport révèle entre autres faits accablants que les forces de l’ordre ont attaqué sans sommation et ont entravé les secours aux blessés.
La protection des observateur·ice·s indépendant·e·s et leur mission C) Le fonctionnement de l’observation à Sainte-Soline D) Méthodologie du rapport E) La préfète des Deux-Sèvres et le préfet de la Vienne refusent d’appliquer les règles de protection due aux observateur·ice·s de la Ligue des droits de l’Homme. II. La construction d’ennemis de l’intérieur « éco-terroristes » annonçant une répression exceptionnelle A) Le contexte : une première manifestation le 29 octobre 2022 B) « Éco-terroristes » : disqualification du mouvement des anti-bassines par le Gouvernement.
La création d’un « ennemi de l’intérieur »
La communication provocatrice des autorités avant la manifestation du 25 mars C) Surveillance et contrôle généralisés de la zone : des citoyen·ne·s encadré·e·s
Le renseignement et la surveillance
Les interdictions par les arrêtés administratifs
Les contrôles motivés par les réquisitions du procureur de la République III. Empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain A) Le déroulement de la manifestation
8H – 12H30 : Le trajet du campement à la méga-bassine : un contrôle à distance
12H30-12H50 : Rencontre avec le peloton motorisé d’intervention et d’interpellation (PM2I) et premiers heurts
12H50 – 13H30 : Arrivée à la bassine : une ligne de tirs infranchissable (12h50 – 13h30)
13H30 – 14H : Un déchaînement de violence à grands renforts de grenades explosives (13H30-14H)
L’intervention du PM2I entre 13h41 et 14h03
14H08 – 15H08 : La trêve
15H08- 15H30 : Une brève reprise des affrontements
Conclusion du déroulement B) Focus sur les armes et le matériel utilisés par les forces de l’ordre à Sainte-Soline
Les armes
Le matériel
Le décompte de l’utilisation des armes C) Quel qu’en soit le coût humain : les blessé·e·s de Sainte-Soline
Le nombre et la nature des blessé·e·s
La prise en charge des blessé·e·s manifestant·e·s
L’intervention des élu·e·s pour protéger les blessé·e·s des tirs du PM2I
L’entrave au secours pour les blessé·e·s les plus graves D) Les problèmes persistants d’identification des forces de l’ordre IV. La répression et l’opération de communication post Sainte-Soline A) La traque et la répression par les forces de l’ordre
Contrôles d’identité et fouilles massives des manifestant·e·s par les forces de l’ordre autour de Sainte-Soline
Focus sur le Produit de Marquage Codé (PMC)
La traque des manifestant·e·s blessé·e·s par les forces de l’ordre B) Une communication gouvernementale visant à dédouaner l’action des forces de l’ordre
« À 12h40, il y a déjà des premières échauffourées avec les gendarmes puisqu’ils reçoivent des tirs de mortiers et des cocktails molotov »
« Aucune arme de guerre n’a été utilisée à Sainte-Soline »
« Non, les gendarmes n’ont pas lancé de LBD en quad »
« Des milliers de personnes sont simplement venues pour faire la guerre » C) Les attaques, intimidation et disqualification de la société civile
Les attaques contre la société civile mobilisée sur le sujet des bassines
La disqualification, intimidation et les attaques contre la LDH et les observatoires V. CONCLUSION VI. ANNEXES A) Confrontation du rapport de l’IGGN sur l’usage du LBD par le PM2I avec les observations B) Chronologie des événements s’agissant de Serge D. C) Témoignage anonyme concernant la manifestante placée en urgence absolue D) Témoignage de Math de BNM concernant la prise en charge des blessé·e·s
Premier rapport d’observation sur le maintien de l’ordre à Bordeaux par l’Observatoire Girondin des Libertés Publiques (période du 17 novembre 2018 au 16 février 2019).
Sommaire : I CHOIX METHODOLOGIQUES II UNE POLITIQUE D’ESCALADE DE LA VIOLENCE 01 Manifestations des 1er et 8 Décembre 2018 à Bordeaux : Les faits 02 L’absence de politique de communication pacificatrice 03 Des sommations inexistantes, inaudibles ou artificielles 04 Une communication agressive 05 Des dispositifs sources de tension Mairie de Bordeaux : des barrages policiers pour protéger un palais fortifié Les brigades anticriminalité (BAC) et autres forces non-spécialisées dans le maintien de l’ordre Le retour des Pelotons voltigeurs mobiles (PVM) La pratique des nasses (ou kettling) III LA RÉPRESSION DES MANIFESTATIONS LYCÉENNES IV L’USAGE NON-MAÎTRISÉ ET DANGEREUX DES ARMES 01 Liste des armes qui équipent la police et la gendarmerie pour le maintient de l’ordre 02 Traumatismes psychologiques et physiques liés a l’usage des armes sur les personnes 03 Synthèse des blessures lors des manifestations des Gilets Jaunes (témoignages) Grenades CLI-F4 LBD-40 Grenade, type non identifiée Lacrymogènes Arrestation V LA RÉPRESSION JUDICIAIRE 01 Sur les entraves à la liberté de manifester 02 Sur les gardes à vue 03 Sur le traitement judiciaire des procédures à l’encontre des manifestant-es gilets jaunes Sur les autres modalités de poursuites VI CONCLUSIONS ANNEXES 01 Texte de présentation de l’Observatoire 02 Lettre ouverte du 21 décembre 2018 03 Communiqué inter-observatoires du 8 février 2019 04 Glossaire des interventions internationales 05 Communiqué de presse des enseignants du lycée F. Mauriac 06 Lettre des ophtalmologues 07 Fiche résumée toxico ecotoxico chimique du gaz CS 08 Légendes photos Sur les comparutions immédiates Sur les convocations par officier de police judiciaire