Le nouveau rapport de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains constate une démocratie française en décrochage.

Image extraite du rapport de la FIDH et de la LDH

Ce rapport, publié sous l’égide de la FIDH et de la LDH, documente une dégradation alarmante des libertés publiques en France, marquée par une répression croissante des mouvements sociaux, des associations et des manifestants. Depuis 2017, l’État a durci son arsenal législatif (loi « séparatisme », loi « anticasseurs », contrat d’engagement républicain) et multiplié les dissolutions administratives d’associations, souvent sur des motifs flous ou politiques. Les autorités ciblent particulièrement les défenseurs des droits humains, les écologistes et les collectifs solidaires des exilés, les accusant de menacer l’ordre public ou les « valeurs républicaines ».

Les pratiques policières, de plus en plus militarisées, illustrent cette dérive : usage excessif de la force (LBD, grenades, nasses), interpellations massives et arbitraires, et impunité quasi systématique pour les violences commises par les forces de l’ordre. Les manifestations, même pacifiques, sont souvent interdites ou réprimées sous prétexte de risques pour l’ordre public, tandis que les contre-pouvoirs (observateurs indépendants, médias critiques) sont entravés. Les exemples des mobilisations contre les méga-bassines ou la réforme des retraites révèlent une stratégie de criminalisation des contestataires, avec des procédures judiciaires abusives et des gardes à vue traumatisantes.

Le rapport souligne aussi le rôle des discours stigmatisants tenus par des responsables politiques et certains médias, qui légitiment cette répression. Des figures comme Gérald Darmanin ou Bruno Retailleau ont publiquement attaqué des associations comme la LDH ou la Cimade, les accusant de complicité avec des « ennemis de la République ». Ces attaques s’accompagnent de menaces de retrait de subventions, de campagnes de diffamation et d’une instrumentalisation des financements publics pour museler les voix critiques. Les acteurs non étatiques (extrême droite, syndicats agricoles) participent à cette dynamique, avec des agressions physiques et des intimidations envers les militant·es, souvent en toute impunité.

Les restrictions financières aggravent la précarisation du secteur associatif. Le « contrat d’engagement républicain », imposé pour l’obtention de subventions, sert d’outil de contrôle idéologique, tandis que des dispositifs comme la cellule Demeter (ciblant les écologistes) ou les procédures-bâillons (pour épuiser les opposants) renforcent l’effet dissuasif. Les associations dénoncent un climat d’auto-censure et une réduction drastique des espaces de dialogue avec les pouvoirs publics, au mépris des normes internationales sur les libertés d’association et de réunion pacifique.

En conclusion, le rapport alerte sur une « dérive illibérale » en France, où l’État utilise les outils démocratiques (lois, justice, financements) pour étouffer la contestation. Les recommandations appellent à un retour au respect des droits fondamentaux, à la fin des dissolutions abusives, à une réforme des pratiques policières et à la protection effective des lanceurs d’alerte et des défenseurs des droits. Sans changement, ce rétrécissement de l’espace civique menace les fondements mêmes de la démocratie française.

Accès au rapport

https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2025/09/20250917_FIDH_Rapport-OBS-FRANCE_FR-WEBdef.pdf

Mobilisations des 10 septembre, 18 septembre et 2 octobre 2025 : partout en France, des contestations étouffées et réprimées par les autorités

Les mobilisations des 10 septembre, 18 septembre et 2 octobre 2025 ont été l’occasion d’une forte répression partout en France. Les observatoires des libertés et des pratiques policières d’Angers, de Bordeaux, de Lille, de Paris, de Rennes et de Toulouse, notamment, ont pu documenter des atteintes à la liberté d’expression sur l’ensemble du territoire.

Ces mobilisations ont tout d’abord donné lieu à de nombreux arrêtés préfectoraux liberticides. Ainsi, dans de nombreuses villes, ont été adoptés des arrêtés interdisant le port d’objets pouvant constituer une arme. Ces arrêtés sont particulièrement problématiques dans la mesure où de très nombreux objets du quotidien sont susceptibles de constituer des armes par destination, au sens de l’article 132-75 du Code pénal. Toutefois, c’est uniquement a posteriori que la qualité d’arme peut être retenue et en aucun cas avant que ledit objet ait été utilisé. En outre, plusieurs préfectures ont pris des arrêtés d’interdiction des manifestations en centre-ville, ainsi que des arrêtés de déploiement de drones. Autant de textes qui, en amont des mobilisations, peuvent dissuader les citoyens d’exercer leur liberté d’expression.

Par ailleurs, les mobilisations ont été l’occasion d’un usage massif de gaz lacrymogènes, sans respecter les exigences réglementaires de nécessité et de proportionnalité. Dans plusieurs villes, les gaz lacrymogènes ont été employés de façon massive, parfois sans qu’aucun trouble à l’ordre public ne le justifie, provoquant dans certains cas des mouvements de foule dangereux pour la sécurité des personnes. Dans certaines villes, des manifestants ont également été blessés par des palets de grenades lacrymogènes.

Les observatoires ont par ailleurs observé partout en France des interventions policières et des interpellations violentes, non nécessaires et disproportionnées. A cet égard, les observateur.ices ont relevé dans de nombreuses villes des verbalisations, des contrôles d’identité et des interpellations injustifiés. Certains rassemblements, comme à Bordeaux, ont par ailleurs été dispersés de manière brutale, non nécessaire et disproportionnée. Dans les cortèges, on a pu observer plusieurs charges violentes, et parfois sans sommations.

Enfin, lors de ces trois journées de mobilisation, les observateur.ices présent.es ont été régulièrement entravé.es dans leurs missions d’observation par les forces de l’ordre. A titre d’exemples, les forces de l’ordre ont braqué des lampes torche sur les observateur.ices pour entraver la prise d’images, ou se sont servi de leurs boucliers pour empêcher la visualisation de fouilles et contrôles d’identité. De plus, les entraves ont pu prendre la forme de barrages filtrants impossibles à franchir pour les observateur.ices, ou de contrôles d’identité ciblés, au seul prétexte qu’ils et elles avaient filmé les forces de l’ordre, comme l’ont parfois expressément indiqué les agents. Par ailleurs, des consignes ont quelquefois été données aux forces de l’ordre de ne pas laisser passer les observateur.ices de la LDH dans certains périmètres. Enfin, le 2 octobre, les observateur.ices de Toulouse ont été ciblé.es et frappé.es à coups de matraques lors des charges des forces de l’ordre.

Les observations effectuées par les observatoires des pratiques policières le 10 septembre, le 18 septembre et le 2 octobre rendent compte des pratiques des autorités devenues habituelles lors des mobilisations citoyennes : des arrêtés préfectoraux liberticides, un emploi de la force disproportionné, dangereux et non réglementaire, et des entraves aux missions d’observation.

L’Observatoire rennais des libertés publiques entravé dans ses missions

logo de l’observatoire rennais


Jeudi 02 octobre, les forces de l’ordre ont porté une fois de plus atteinte à la mission d’observation de l’ORLIB. L’Observatoire constate une augmentation récente des entraves aux observations de la part des forces de police à Rennes.

L’Observatoire Rennais des LIBertés publiques (ORLIB) est un collectif d’associations et de syndicats dont la mission est d’observer et de documenter les pratiques policières. Une équipe était présente à Rennes pour observer le maintien de l’ordre dans le cadre d’une manifestation le jeudi 2 octobre 2025 à 18h.

À 20h25, les observateur·ices accèdent rue Gurvand pour observer des contrôles et arrestations. En moins d’une minute, alors que l’équipe est à plus de 10 m de l’intervention, 5 policiers accourent vers elle et “l’invitent à quitter les lieux”, arguant du fait qu’elle se trouve “dans le périmètre d’intervention de la police nationale”. Alors que l’équipe fait valoir ses droits, les unités de police la font reculer sur l’entièreté de la rue, rendant impossible l’observation des interpellations. Cette entrave au droit d’observer est accompagnée d’usage de la force sur 2 membres de l’équipe, contraints physiquement de reculer alors qu’iels obtempèrent, et d’une menace de contrôle d’identité abusif :
Est-ce qu’on a le droit de faire un contrôle d’identité puisque vous nous filmer ?

Le 10 septembre, d’autres policiers avaient déjà procédé à un contrôle d’identité non justifié d’une équipe alors qu’elle venait de mettre fin à son observation.

Ces entraves ne sont pas des cas isolés. L’ORLIB fait face à de nombreuses obstructions et intimidations répétées dans le cadre de ses missions : captation d’images des observateur·ices avec des téléphones personnels, remarques outrancières, interactions menaçantes, restriction de déplacements… Ces pressions psychologiques de la part des forces de l’ordre ont pour objectif de dissuader les équipes de réaliser leurs missions. Ces faits ont déjà été exposés dans le dernier rapport annuel de l’ORLIB, mais tendent à se systématiser depuis le début du mois de septembre.

Ces entraves contreviennent au statut d’observateur·ice défini par le comité des droits de l’homme de l’ONU dans son observation n°37 : « il ne peut pas leur être interdit d’exercer [leur] fonction [d’observation] ni leur être imposé de limites à l’exercice de ces fonctions, y compris en ce qui concerne la surveillance des actions des forces de l’ordre« . Ils ne peuvent pas non plus être l’objet de représailles ou d’harcèlement de la part des forces de l’ordre. Ces droits subsistent lors d’une manifestation déclarée illégale.

De plus, le Conseil d’Etat, dans une décision du 10 juin 2021, a reconnu que les observateur·ices disposent des mêmes droits que les journalistes en manifestation. Ils peuvent donc se maintenir sur les lieux d’une manifestation même après l’ordre de dispersion.

Enfin, la circulaire du 23 décembre 2008 précise que les forces de l’ordre ne peuvent s’opposer à ce que leur action soit filmée.

L’ORLIB demande à la préfecture de faire cesser ces entraves aux observations.

Forte répression à Toulouse le 2 octobre 2025

Image illustrative maitien de l'ordre à Toulouse
Image à titre illustratif générée par IA

Ce communiqué de presse, signé conjointement le lendemain de la manifestation par la Confédération générale du travail (CGT), la Fédération syndicale unitaire (FSU), la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et l’Union syndicale Solidaires, et intitulé « Manifester notre solidarité à Gaza n’est pas un crime », témoigne d’un violent maintien de l’ordre engendrant des blessés. Nous relayons la partie principale du communiqué :

Hier soir, le 2 octobre 2025, partout en France, se tenaient des rassemblements et des manifestations en soutien au peuple palestinien, pour dénoncer une nouvelle fois le génocide en cours à Gaza, mais aussi l’arraisonnement des bateaux de la flottille humanitaire aux portes de Gaza en violation du droit international, et l’incarcération des militantes et militants présent-e-s à bord, dont trois sont Toulousains. À Toulouse, le préfet a décidé d’interdire ce rassemblement alors qu’aucun débordement n’avait eu lieu précédemment.

Le rassemblement s’est tout de même tenu, mais il a été fait usage de la force pour disperser les manifestantes et manifestants par de violentes charges policières, du gazage, des matraquages et lancement de grenades de désencerclement, en méconnaissance des dispositions du Code de la sécurité intérieure mais plus encore de la liberté de réunion pacifique, promue par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Même lorsqu’une manifestation est interdite, elle ne devient pas ipso facto un attroupement et, si les manifestantes et manifestants peuvent être verbalisé-e-s, l’emploi de la force ne peut être admis que s’il est nécessaire et proportionné. Ces charges ont engendré des blessures et se sont doublées d’interpellations, alors que ce rassemblement était pacifique comme le prouvent les vidéos.

Nos organisations rappellent à cet égard que la participation à une manifestation interdite, qui constitue une contravention, ne saurait pour ce motif donner lieu à interpellation. De même, la circonstance que le rassemblement soit interdit n’autorise pas les forces de l’ordre à recourir à la force de manière disproportionnée. Une nouvelle fois, l’État démontre ses contradictions en reconnaissant l’État palestinien devant l’ONU mais en réprimant les militantes et militants acquis à cette cause. Manifester ne constitue pas un crime, et encore moins quand il s’agit de se mobiliser pour exiger un cessez-le-feu et la fin d’un génocide et du blocus qui affame une population !

En outre, les observatrices et observateurs de Toulouse, membres de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et de la Fondation Copernic, présent-e-s sur les lieux de la mobilisation, ont été ciblé-e-s et violenté-e-s lors des charges des forces de l’ordre.

Partout en France, les observatrices et observateurs sont très régulièrement la cible d’attaques verbales ou physiques, ou d’entraves juridiques de la part des autorités françaises, en violation du droit international et de la décision du Conseil d’État de 2021. Les forces de l’ordre sont redevables de leurs actions envers la population et tant les observatrices et observateurs que les journalistes ont un rôle essentiel dans une démocratie et ne sauraient être pris pour cibles pour invisibiliser les pratiques illégales commises.

Nos organisations apportent leur soutien aux camarades réprimé-e-s et violenté-e-s et dénoncent fermement cette escalade répressive à l’égard des mouvements sociaux, mais aussi à l’encontre des manifestations en soutien au peuple palestinien. Nos organisations réaffirment leur détermination à continuer la lutte pour une paix juste et durable en Palestine, pour exiger l’arrêt du génocide.

Nouveau schéma national du maintien de l’ordre : réprimer sans témoins ?

Un policier empêche un journaliste de travailler.

Le ministère de l’Intérieur a discrètement publié un Schéma national des violences urbaines (SNVU), un document de 52 pages destiné à encadrer l’action des forces de l’ordre lors d’émeutes. Ce texte détaille des protocoles opérationnels, des modèles de procès-verbaux et des stratégies de coordination policière. Mais son point le plus controversé réside dans l’exclusion explicite des journalistes : le document stipule que leur statut, pourtant protégé dans le cadre du maintien de l’ordre, « ne trouve pas à s’appliquer dans un contexte de violences urbaines ». Une mesure qui, selon les syndicats de journalistes, ouvre la voie à des restrictions arbitraires de la liberté d’informer, voire à des risques accrus pour les reporters sur le terrain.

Les organisations professionnelles, comme le Syndicat national des journalistes (SNJ) et le SNJ-CGT, dénoncent une « attaque en règle contre la liberté d’informer », d’autant que le texte a été diffusé sans concertation préalable, à la veille de mobilisations sociales prévues les 10 et 18 septembre 2025. « Cela crée des angles morts pour documenter les dérives policières ou les tensions sociales », alerte Soraya Morvan-Smith (SNJ-CGT), soulignant que les journalistes sont déjà régulièrement pris pour cibles, tant par les forces de l’ordre que par des manifestants hostiles. Le SNJ a annoncé un recours devant le Conseil d’État, soutenu par Reporters sans frontières (RSF) et la Ligue des droits de l’homme, pour faire annuler cette disposition. Le ministère, confronté à la polémique, a tenté de minimiser l’affaire, promettant une « précision » dans la doctrine pour éviter « toute mauvaise interprétation ».

Ce schéma s’inscrit dans une tendance lourde de restriction des libertés médiatiques, déjà illustrée par la loi Sécurité globale de 2021 – partiellement censurée par le Conseil constitutionnel – ou par les tensions récurrentes entre policiers et journalistes lors des manifestations. Bien que le Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) de 2020 ait finalement garanti aux reporters le droit de couvrir les événements « dès lors qu’ils ne gênent pas l’action des forces de l’ordre », la pratique sur le terrain reste problématique. Le SNVU, en distinguant artificiellement « violences urbaines » et « maintien de l’ordre », risque d’aggraver cette opacité, au mépris du rôle essentiel de la presse comme contre-pouvoir. « Sans journalistes, qui documentera les excès ? », interroge Thibaut Bruttin (RSF), alors que les émeutes de 2023 avaient justement révélé des lacunes criantes en matière de transparence policière.

Une question persiste : cette doctrine marque-t-elle un tournant sécuritaire, ou simplement la formalisation d’une dérive déjà à l’œuvre ?

sources

Article de l’Humanité : https://www.humanite.fr/medias/emeutes-urbaines/violences-urbaines-en-douce-le-ministere-de-linterieur-interdit-les-journalistes-en-manifestation?fbclid=PAdGRjcAMmNhpleHRuA2FlbQIxMQABp1Io_0eM1lHk9t1bFIAPF-jMTVB0qwFHpt8MOL6v4vsWs-aCZBu01yRpPMHX_aem_v1_ubMe9UohJ2S1NY_T87A

Article de Médiapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/040925/violences-urbaines-le-ministere-de-l-interieur-essaie-encore-d-ecarter-les-journalistes

Accès au document : https://snpps.fr/wp-content/uploads/2025/08/SNVU.pdf

La LDH dénonce les entraves aux missions des observatrices et observateurs indépendants.

Une fois de plus, des observatrices et observateurs indépendants, missionnés par la LDH (Ligue des droits de l’Homme), ont été entravés dans leurs missions d’observations par les forces de l’ordre.

Les 4, 5 et 6 juillet 2025, des membres de l’Observatoire toulousain des pratiques policières (créé par la section LDH de Toulouse, le Syndicat des avocats de France et la Fondation Copernic) et de l’Observatoire des pratiques policières du Tarn (créé par la section LDH du Tarn), ont souhaité observer les opérations de maintien de l’ordre dans le cadre du mouvement de contestation contre le projet d’autoroute A69 près de Toulouse.

Le 4 juillet, le matériel d’un observateur a été saisi par les forces de l’ordre, entravant ainsi l’observation du maintien de l’ordre.

Les 5 et 6 juillet, les policiers et gendarmes présents sur place ont refusé que les observatrices et observateurs puissent accéder aux lieux de la manifestation avec du matériel de protection (casques, lunettes), pourtant nécessaire à l’accomplissement de leurs missions. Ils avaient alors le choix soit de le déposer dans leur véhicule et de se rendre à la manifestation sans ce matériel de protection, soit de renoncer à observer.

Ces faits ne sont pas isolés. Les autorités françaises entravent régulièrement le travail des observatoires initiés par la LDH[1]. Les observatrices et observateurs se voient fréquemment refuser l’accès aux manifestations avec du matériel de protection, ou se voient confisquer ce matériel. Ces dernières et derniers subissent également, de la part des forces de l’ordre, des provocations, des contrôles répétés, mais aussi des intimidations physiques et verbales, voire des violences en raison de leurs missions. Les forces de l’ordre les empêchent parfois délibérément d’accéder à certaines zones, afin de ne pas les laisser observer.

Les autorités françaises ne respectent donc pas les textes internationaux, qui imposent de garantir la sécurité des observatrices et observateurs et le libre exercice de leurs missions[2]. Ils ont le droit d’être physiquement présents afin d’observer une manifestation publique : ce droit fait partie du droit de recevoir et de communiquer des informations, corollaire du droit à la liberté d’expression. Il ne peut pas leur être interdit d’exercer leur mission ni leur être imposé de limites à son exercice. Par ailleurs, ils ne doivent pas risquer de faire l’objet de représailles ou d’autres formes de harcèlement, et leur matériel ne doit être ni confisqué ni endommagé. Enfin, ces droits doivent être garantis y compris si la manifestation est interdite ou dispersée.

Le Rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement avait déjà relevé en 2024, dans le cadre de la contestation contre le projet d’autoroute A69, que les membres de l’Observatoire toulousain étaient tenus à distance des manifestations, et avait rappelé aux autorités françaises leur obligation de faciliter le travail des observatrices et observateurs[3].

La LDH condamne fermement les entraves auxquelles sont confrontés les observatrices et observateurs indépendants, en méconnaissance des textes internationaux.

Dans une démocratie, observer les pratiques policières et pouvoir alerter le public en cas de nécessité fait partie des garanties indispensables à l’expression des libertés publiques.

[1] Voir entre autres Observatoire rennais des libertés publiques, « Rapport annuel. Mai 2023 – avril 2024 » : file:///C:/Users/alexa/Desktop/Rapport-annuel-ORLIB-2023-2024_WEB-1.pdf ; Observatoire parisien des libertés publiques, « Note d’observation. Manifestation contre le projet Green Dock », 25 mai 2024 : https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2025/03/2024_07_Note_Green_Dock.pdf

[2] Voir notamment : Comité des droits de l’Homme des Nations unies, Observation générale n° 37 sur le droit de réunion pacifique (art. 21), 2020, CCPR/C/GC/37, § 30 ; OSCE/BIDDH, Commission Venise, Lignes directrices conjointes sur la liberté de réunion pacifique (3e édition), 2020, CDL-AD (2019)017rev-f, § 204.

[3] Rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement au titre de la Convention d’Aarhus, Visite dans le Tarn, France, 22 – 23 février 2024, Déclaration de fin de mission : https://unece.org/sites/default/files/2024-02/UNSR_EnvDefenders_Aarhus_De%CC%81claration_fin_mission_Tarn_29.02.2024_FR.pdf

La Police contre la démocratie (livre)

Dans cette interview sur le plateau du Media, Lucas Lévy-Lajeunesse, membre de l’Observatoire parisien des libertés publiques (OPLP), évoque à l’occasion de la sortie de son livre « La Police contre la démocratie » le travail des observatoires, les pratiques policières et en particulier celles de la Brav-M, ainsi que le problème lié à l’absence de port du RIO et celui lié au port fréquent de la cagoule.

Au delà de la dénonciation de la gestion violente du maintien de l’ordre, Lucas Lévy-Lajeunesse témoigne du changement de doctrine qui vise à criminaliser les manifestations et à restreindre l’expression politique dans un espace public encadré par les forces de l’ordre. Il alerte sur les atteintes à un Etat de droit, sur les attaques permanentes contre les associations et la diffusion des doctrines d’extrême droite dans l’espace public qui pourrait à boutir à l’instauration d’un régime de type fasciste.

Mort de Rémi Fraisse : la CEDH condamne la France

Plus de dix ans après la mort de Rémi Fraisse, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour violation du droit à la vie en raison d’un encadrement insuffisant du maintien de l’ordre. Rémi Fraisse, un jeune botaniste de 21 ans, a été tué par l’explosion d’une grenade offensive lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens en octobre 2014. La CEDH a jugé que l’intervention des forces de l’ordre violait l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, soulignant un usage disproportionné de la force et des lacunes dans le cadre juridique et administratif.

La décision de la CEDH pointe du doigt l’absence de garanties suffisantes pour encadrer l’usage de la force potentiellement meurtrière et les défaillances dans la préparation et la conduite des opérations. Le recours aux grenades offensives OF-F1 sans dispositif de contrôle efficace a été jugé comme une faute grave de l’État. Cette condamnation est inédite, car c’est la première fois que la France est sanctionnée pour l’usage d’armes dans une opération de maintien de l’ordre. Claire Dujardin, avocate de la famille de Rémi Fraisse, considère cette décision comme une victoire et un appel à réviser la doctrine de maintien de l’ordre en France.

La CEDH a également souligné que l’enquête menée par les autorités françaises respectait les exigences d’impartialité et d’approfondissement, bien que des doutes aient été soulevés sur l’objectivité de ladite enquête. L’État français devra verser des indemnités aux proches de Rémi Fraisse, mais cette décision ne remet pas en cause l’absence de responsabilité pénale des forces de l’ordre impliquées. La condamnation établit un précédent important en matière de maintien de l’ordre, rappelant que l’usage de la force doit être strictement encadré et justifié. Claire Dujardin espère que cette décision incitera la France à adapter ses pratiques pour éviter de nouveaux drames.

Source : https://www.politis.fr/articles/2025/02/justice-luttes-mort-de-remi-fraisse-la-cedh-condamne-la-france/

Le lancer à main de la grenade GM2L autorisé en Nouvelle Calédonie

Manifestants pris dans un nuage de fumée.

Le ministère de l’Intérieur a récemment autorisé les gendarmes et policiers à utiliser le lancer à la main fr la grenade modulaire 2 effets lacrymogènes GM2L (ou SAE 820) en Nouvelle-Calédonie, en réponse à la recrudescence de la violence et à l’utilisation d’armes contre les forces de l’ordre dans cette région. Cette grenade, produite par Alsetex, a succédé à la grenade GLI-F4 en France en 2018 et est conçue pour avoir des effets lacrymogènes et assourdissants.

Dans cet article publié dans le magazine « La Voix du gendarme« , le général (2S) Bertrand Cavallier, expert en sécurité et maintien de l’ordre, salue cette décision, mais estime qu’une réflexion plus large est nécessaire sur l’armement, l’équipement et les conditions d’utilisation des armes par les forces de l’ordre. Il souligne que les capacités des forces de l’ordre ont diminué au fil des ans, tandis que les activistes, en particulier les milices d’ultra-gauche, ont considérablement amélioré leurs armes artisanales. Il appelle à une densification rapide des armements des forces de l’ordre en Nouvelle-Calédonie, où les gendarmes et les policiers seraient « confrontés à des criminels armés d’armes à feu puissantes« . Il suggère également l’adoption de marqueurs à distance pour mieux identifier les participants aux attroupements armés et optimiser la réponse pénale. La Nouvelle-Calédonie apparaît ainsi comme un laboratoire avancé du futur maintien de l’ordre en métropole.

Source : https://lavoixdugendarme.fr/le-lancer-a-main-de-la-grenade-gm2l-autorise-en-nouvelle-caledonie-le-commentaire-du-general-2s-bertrand-cavallier/

L’Observatoire rennais des libertés publiques (ORLIB) vient de prendre public son rapport annuel (mai 2023-avril 2024).

Rennes est une ville connue pour sa forte tradition militante, avec de nombreuses mobilisations étudiantes et syndicales, ainsi que des mouvements nationalistes bretons et autonomes. Les manifestations sont un moyen d’action courant à Rennes, avec des exemples marquants tels que les mouvements contre les lois Debré en 1973, Devaquet en 1986 ou le CPE en 2006. En 2016, le mouvement contre la loi dite « travail » a marqué un tournant, avec l’émergence d’un « cortège de tête » composé de manifestants autonomes se confrontant régulièrement aux forces de police.

En 2023, la ville a connu de nombreuses manifestations, notamment contre la réforme des retraites, avec une trentaine de manifestations entre janvier et juin. Des émeutes ont également éclaté dans différents quartiers de Rennes en réponse à la mort de Nahel, abattu par un policier à Nanterre, avec des affrontements violents entre les forces de police et les manifestants. Les mobilisations ont repris suite aux événements du 7 octobre, avec de nombreux rassemblements pour la paix en Palestine. Enfin, le début de l’année 2024 a été marqué par des manifestations contre la loi dite « immigration », générant de nouvelles tensions entre les manifestants et les forces de police. Les moyens mis en œuvre pour le maintien de l’ordre ont été inédits à Rennes, avec le déploiement de la CRS8, de l’échelon régional rennais du RAID, l’usage de blindés, de drones ou le déploiement récurrent de la CRS82, ce qui appelle à une vigilance particulière pour observer et documenter l’usage qui en est fait.

Parmi les nombreux points instructifs du rapport, on notera la création d’un pôle de recueils de témoignages ou encore une progression encourageante dans les relations, bien qu’encore trop souvent conflictuelles, avec la police : « Malgré ces entraves que nous déplorons, nous remarquons une meilleure acceptation du travail de l’Observatoire au fur et à mesure des observations. Les forces de police semblent nous identifier de mieux en mieux à Rennes. De plus en plus de policier.es s’intéressent et marquent de la curiosité sur le travail de l’Observatoire. »

Lien de téléchargement vers le rapport entier : https://wetransfer.com/downloads/455eb3cb842f9d013a007fa69f7fb5f220240514162327/41b9d6